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 Jean LEBEAU 

Jean Lebeau est né en 1942 à Favincourt.

 

      "Le gorille blanc est une espèce en voie de disparition, et personne ne semble s’en préoccuper. C’est dommage, surtout pour les amateurs d’art ! Jean Lebeau ne grimpe pas aux arbres mais c’est l’un des plus intéressants sculpteurs encore en activité. Ne dites surtout pas « ferraillou », nom dont il s’affuble parfois lui-même, par dérision et sens du comique, ou, alors, César (rendons-lui ce qu’on lui doit), qui a commencé sa carrière par souder une animalerie de fers rouillés, bien avant les « compressions/extensions » en est un autre, de « ferraillou » ! Lui qui disait : « Je suis fondamentalement un autodidacte absolu ! » Mais revenons à nos moutons : le bestiaire de sieur Lebeau est fantastique, fantasque, ahuri, de guingois, même, si l’on n’y prend garde. Très peu, en effet (Tinguely, l’Anglais Caro, Julio Gonzalez…) ont eu ce talent d’assembler des pièces remisées au rebut et de leur donner, plus qu’une nouvelle chance, la vraie vie. Mais attention, l’humour n’est jamais très loin, la vie que Lebeau insuffle à ces morceaux de métal est éclatante, pleine de santé et de drôlerie ! Les créations de Monsieur Jean sont incroyablement vivantes, saisies dans l’action, au vol, bondissantes, en pleine course, jamais inquiétantes, toujours amusantes, emballantes, quoi ! Tex Avery n’est pas si loin, ses figures dégingandées qui déboulent dans le magasin de porcelaine, Marx Brothers en folie… Comme il le dit, lorsqu’il rassemble les morceaux qui vont lui servir à créer l’animal, le bestiau, tout est déjà dans sa tête, y a plus qu’à. C’est dans l’excitation du moment qu’il crée, faut aller vite, c’est maintenant que ça se passe, mettre tout ça ensemble, souder dans l’urgence, avec une sorte de frénésie. Et c’est la magie qui, tout à coup, opère, l’animal est là, se révèle, presque vivant, sort de sa gangue, on en a même un petit mouvement de recul. Parfois, sans qu’on sache pourquoi, ça ne marche pas, un coup de fil qui dérange ou autre et tout retombe à terre, patatras ! C’est pas grave, faut détruire tout ça et recommencer, mais le lendemain !

 

     Le zoo de Lebeau est peu commun, ses animaux (pas tristes du tout !) n’ont pas besoin de nous pour vivre, ils ont leur existence propre, ils nous acceptent parmi eux sans plus. Il ne faudrait pas les déranger, surtout par une nuit sans lune, hein ? Une filiation possible : César, revenons-y, qui se considérait comme un « éternel artisan, soudeur et, surtout, grand créateur », fut d’abord conquis par le métal de récup. Le milieu de l’art le snoba longtemps, il ne fut ainsi exposé que vingt ans après sa mort par le Centre Pompidou. Une voisine, encore, Germaine Richier, par moment (« Toutes mes sculptures, même les plus imaginées, partent toujours de quelque chose de vrai, d’une vérité organique. »), et bien d’autres encore qui ont éclairé les pas de Lebeau, à l’insu de son plein gré.

 

     Autres pièces maîtresses du travail de Jean Lebeau, ses preux chevaliers, fringants, harnachés comme au combat, sans peur et sans reproche, prêts à affronter l’avenir, quel qu’il soit, et basta ! Ses cavaliers sont face au vent, magnifiques, les gueules cassées de l’Eternité affrontant dans des combats homériques d’autres cavaliers, ceux de l’Apocalypse, venus avec Zacharie annoncer la fin du monde mais qui, incompris et interloqués, retournent d’où ils étaient venus, et au galop ! Les Chevaliers de la Table ronde tout crottés par leur folle quête arthurienne comprennent que c’est trop tard, puisque le Graal est déjà là : « Saint Jean » à découvert le Saint calice, tout rouillé, certes, mais si beau et puissant avec un seul credo : « Laisser aux hommes le pouvoir de choisir par eux-mêmes leur destin. » Ce travail sur les cavaliers se fait sur un plus long terme, c’est tout autre chose, pas d’urgence ici, l’artiste prend son temps, tourne autour de la bête, la questionne, la bichonne, un lien indéfectible se crée alors entre l’homme et le sujet, le bel attelage se met en branle avec joie. Alléluia !

 

     Et, ne le dites à personne, la Galerie Bourreau-Ravier possède quelques-unes de ses plus belles pièces (en vrac ! : « Ecce Homo », « L’éléphant », « Le père porteur », « L’orang-outang ! », « Rhino féroce ! », et la fantastique cavalerie, bien sûr. Sans mentir, c’est un peu comme si la grande galerie de l’Evolution s’était externalisée à Noirmoutier..."

Gérard Valat

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