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 Jean-Claude TARDIVO 

Né en 1935 en Touraine, Jean-Claude Tardivo vit et travaille à Paris. Il expose ses toiles, collages et boites dans plusieurs galeries en France et à l'étranger.

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Issu d'un milieu modeste en campagne, il se met à peindre alors qu'il n'a jamais vu de tableau. Et, à 16 ans, élève dans un collège technique, il rencontre Pierre Vignac, professeur aux Beaux-arts de Tours. Celui-ci le remarque : "Il m'a encouragé et surtout il m'a donné confiance en ma passion"... Le dessein de devenir peintre s'incarne alors progressivement avec cette seule exigence : "ne faire que de la peinture".

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Jean-Claude Tardivo ne renie pas ses origines et son environnement. Au contraire, il y puise ses premiers sujets de peintre tout en découvrant dans les livres les œuvres de Goya, Brueghel et plus tard Klee, Dubuffet...

Au début des années 1970, bercé par ces nouvelles influences, sa démarche devient abstraite. Mais ses origines terriennes le ramènent progressivement vers la représentation humaine.

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La démarche picturale de Jean-Claude Tardivo se tourne alors vers le dessin d'enfant dans lequel il puise son inspiration, un imaginaire sans cesse renouvelé. Ses personnages respirent, pleurent, rient, s'aiment, jouent, travaillent, ressentent... Ils vivent sous nos yeux renvoyant le spectateur à sa propre condition humaine.

"Il y a dans les dessins d'enfant toute la vérité que l'adulte a laissé s'enfuir. Il y a aussi toute la pureté et l'amour qui les rendent supérieurement beaux. Ils contiennent l'avenir en création, opposé au devenir nostalgique". Jean-Claude Tardivo revendique n'être qu'un passeur : "Tout existe déjà. Il n'y a pas de créateurs et nous devons en toute humilité accepter notre rôle d'intermédiaire. Tout est déjà là, pêle-mêle, comme dans une décharge où l'ordre défait aide les mémoires abandonnées à reconstituer un territoire inexploré, un semblant d'inexistant."

Un têtard dans le grand bain

 

Tardivo*, le peintre, s’est depuis longtemps réconcilié avec son enfance, notamment lorsqu’il s’est aperçu que « … celle-ci le suivait comme une douce lumière. C’est l’espace où nous pouvons sans cesse nous ressourcer. » Pour lui, chaque individu possède en lui l’enfant intérieur, celui qu’il n’a jamais cessé d’être.

Si on l’interroge sur ses premiers émois avec la peinture, il sourit de ce large sourire simple et généreux qui pourrait même désarmer une grenade offensive :
« À deux ans et demi, j’ai fait comme la plupart des gosses des gribouillis, en fait, sans m’en rendre compte, c’est ce que j’ai appelé bien plus tard des bonshommes têtards, et puis, bien sûr, je ne me suis jamais arrêté… », ainsi il était contaminé, le virus était entré dans la bête, jusqu’à l’os !

Sa matière c’est l’acrylique, qu’il « répand » sur des formats de belle taille. Sortir des sentiers rebattus, bien sûr, sinon à quoi bon ! Alors, souvent, il invente ses propres instruments, il se glisse dans la peau du démiurge et utilise ses outils à lui pour gratter, griffer, arracher la matière, donner vie aux choses tout juste sorties de la gangue limoneuse de son esprit. Tout ça vibre, galope, s’enflamme, et parfois éclate de couleurs vives sorties de nulle part mais bien là, à leur juste place. D’autres fois ce sont les primaires qui s’imposent, et pourquoi pas ! Un bleu canaille (vous avez de beaux bleus !) joue des coudes presque malgré lui, et, là, une surprenante teinte jaune ricane sous cap mais n’en pense pas moins, et inonde la toile d’une petite lueur aux parfums d’encens et de myrrhe… Et le rouge, me direz-vous, le rouge, quelqu’un l’a estampé, a pris la poudre d’escampette avec icelui, l’a refourgué aux agents de l’étranger ? Que nenni, le rouge éclate, éclairs de feu brûlants, scarifications rituelles… Eloignez-vous car la braise sourd, le volcan gronde sous la terre chaude et tremblante, la matière se faufile en douce dans des tons, du coup, très terriens, très humains, dirait-on sensuels ? Des bruns, terre de sienne, fauves, presque sauvages, jouent dans le cadre, l’anthracite tutoie le gris ardoise, le rougeaud des joues flirte avec le purpurin de lèvres accueillantes, les couleurs se racontent des histoires sans fin, bien à elles. Mais les complémentaires ne sont pas loin, suppléments d’âme à la carte du tendre, vibrent les oranges et les verts qui flirtent avec les mauves et violets, ocres, bleus nuit profonds se séduisent sans en avoir l’air.

Bien sûr, ces couleurs ne seraient rien sans les personnages qu’elles habillent, parfois si peu, on s’en offusque ici ou là dans la « bonne » société atterrée. Tout le monde le sait : « Tardivo aime les femmes ! » Sachons que ce n’est pas un amour déçu, c’est l’amour avec un grand « A ». L’amour qui chamboule tout, celui qui empêche de raisonner, l’amour fusion, comme l’on disait de certaines acquisitions sans qu’il y ait eu la moindre négociation, l’amour des « sœurs de la côte », instinctif, peut-être sexuel, voire, l’amour fou ou le fol amour, celui qui emporte au-delà de la déraison, dans les replis de l’âme…

Ses femmes, dirions-nous avec Sartre, ses putains respectueuses, bien plus respectueuses que putains, d’ailleurs, ses femelles aux seins gorgés de sève, d’amour et d’humour, aux tétons gonflés comme de russes malossols, mamelles nourrissantes qui nous abreuvent, nichons à l’air parce qu’elles n’en manquent pas, et qui affrontent la vie de face, bien campées sur leurs gambettes, accrochées à la vie et prêtes à la donner, cette belle vie aux rémanences obscures, comme des boutiques, tout ce qu’on aime.

Ses petites bonnes femmes girondes, amusantes et amusées, rigolotes, qu’on se « taperait » en gibelotte par temps de disette, auraient beaucoup à dire, et à redire même. Elles ont vécu et voyagé, parcouru des mondes inconnus et incertains, des mondes intérieurs inexplorés, des continents de tendresse où l’amour rôde encore…

Le monde de Tardivo mérite qu’on s’y attarde, il ne faudrait pas passer à côté. Ça vit, ça grouille, ça remue de partout, des oiseaux sans cage aux chatoyants reflets, repus ou replets, bien en chair et « montés sur épingles ! », des poissons rouges bleus ou jaunes et sans bocal mais qui font du bouche-à-bouche à la volée, des chiens noirs et sauvages fiers de leur indépendance, des vaches en roue libre dont les mamelles pourraient nourrir la France entière.

Finalement, Tardivo aura passé sa vie d’homme et d’artiste à fréquenter ces femmes éternelles, ses femmes à lui, ses poupées ! Celles qu’il aura aimées dans leurs vêtements de tous les jours, robes à fleurs, à rayures, à pois, ou en dentelles, mais sans chichi pour autant, toutes simples, si peu aguicheuses ou ne le sachant pas, ces femmes qui créent la vie, ses « Vénus » du quotidien qui continuent à enchanter sa vie. Et pour longtemps encore.

                                                                                                                                                      Gérard Valat

* Jean-Claude Tardivo est né le 27 juin 1935 à Villedômer (Indre-et-Loire).

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- Lien vers le site officiel de Jean-Claude Tardivo

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